L’énergie nucléaire: un double enjeu national
En 1958, le programme nucléaire national français prend son élan avec la volonté du général de Gaulle qui veut maîtriser le nucléaire comme arme de dissuasion d'une part et d’indépendance nationale énergétique de l'autre.
Les deux aspects de ce sujet sont ainsi posés : l’intérêt civil et militaire.
La construction de l’usine d’enrichissement d’uranium de Pierrelatte permet à la France de produire son propre combustible et en 1960, deux ans avant son indépendance, l’Algérie voit exploser la première bombe atomique française sur Reggane.
Maîtrise du nucléaire, un traité schizophrène
En 1968, conclu internationalement, le traité de non-prolifération des armes nucléaires vise à empêcher les états signataires d’augmenter leur nombre d’armes nucléaires et pour ceux qui n’en ont pas de chercher à en avoir. Il est censé favoriser l’usage pacifique de l’atome en affirmant le droit inaliénable de toutes les parties au traité à développer la recherche, la production et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques.
C'est aujourd'hui que s'éclaire le paradoxe de ces ambitions : comment développer le nucléaire civil en affirmant pouvoir contrôler le désarmement mondial ?
L’AIEA est responsable de la surveillance de la bonne application de ce traité.
Pratiquement tous les États membres de l'ONU sont membres de l'AIEA. L'Agence internationale de l'énergie atomique sous l'égide de l'ONU, lui rend un rapport annuel sur l’usage du nucléaire dans le monde et également à la demande du Conseil de Sécurité.
Un drôle de débat est ouvert
Dans les années 1970, ayant trouvé son espace de développement, la technologie nucléaire inquiète les populations et on voit en 1971 les premières manifestations contre le nucléaire civil en France : la marche de Fessenheim et celle de la centrale nucléaire du Bugey.
Curieusement, le discours sur le désarmement fait basculer doucement l’intérêt sur les questions environnementales au détriment des dégâts que continuent à causer les attaques militaires dans le monde, pourtant équipées de la même technologie.
Il est utile de rappeler la propagande mensongère développée par le gouvernement américain pour rassurer sa population quand aux risques des effets de l’arme nucléaire dans les années 50.
Pour preuve, la vidéo du remarquable documentaire « Atomic café » : http://www.youtube.com/watch?v=BFT8hLjHtuE&feature=related. En effet, Hiroshima et Nagasaki ont été les premiers désastres nucléaires. Ils illustrent tragiquement les menaces de cette technologie, dans son application militaire, comme civile.
Alors, catastrophe écologique ou catastrophe de guerre ?
Le premier essai nucléaire français dans le Sahara algérien, laisse une zone contaminée de 150 km de long environ. En 20 ans, la France a réalisé 146 essais souterrains en Polynésie sous les lagons des atolls de Moruroa et Fangataufa.
C'est en 1995 finalement, que Jacques Chirac décide la réalisation des 6 derniers essais nucléaires dans le Pacifique.
Les accidents de centrales nucléaires en France font liste : en 1980, la centrale nucléaire de ST Laurent - niveau 4 selon l'échelle INES; en 2007, 842 alertes de niveau zéro (817 en 2006) et 86 de niveau 1 ont été signalées en France. En juillet 2008 c'est de Romans-sur-Isère et du Tricastin (Drôme) que le danger menace.
En décembre 2009, un incident niveau 2 a lieu à la centrale nucléaire de Cruas-Meysse.
Puis, le 27 décembre 1999, lors de la tempête qui frappe alors la France, les parties basses de la centrale nucléaire du Blayais (Gironde) sont inondées forçant l'arrêt de trois de ses quatre réacteurs. L'incident est classé niveau 2.
En 30 ans aucun pays n'a été épargné
De 1979 - l'accident nucléaire de Three Mile Island en Pennsylvanie, classé au niveau 5 - au 4 juin 2011 en Egypte, suite de l'explosion d'une pompe de réacteur dans la petite centrale de Anshas, le monde entier a eu à subir les méfaits de cette technologie non maîtrisée.
Le Japon, l’Ukraine, l’Allemagne, L’Espagne, les Etats Unis, la Hongrie, la Suède, la Slovénie, et la Belgique ont payé de lourds dégâts, qu’ils soient d’ordre humain, naturel et financier.
Suite à « l’incident » suèdois de 2006, Ole Reistad, directeur de l’institut norvégien de protection contre les rayonnements ionisants, déclarera que l'on est « passé près de la catastrophe » et près de la défaillance de la dernière barrière de sécurité ; « une telle chose n’aurait jamais dû se produire ». Le discours est rôdé !
Mais le 12 mars 2011, l’accident nucléaire de Fukushima interpelle violemment le monde entier et le refus du nucléaire en tant qu’énergie s’affirme.
L’ éthique particulière de l’AIEA
La CRIIRAD (Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité) est une association française créée en mai 1986 à la suite de l'accident de Tchernobyl. Elle demande en 2009 l'abrogation de l'accord OMS-AIEA de 1959. Rappelons que l'Agence internationale de l'énergie atomique a pour fonctions, l’inspection des installations existantes pour s'assurer d'un usage pacifique, l’information et la publication de standards pour la stabilité et la sûreté des installations nucléaires et le lien pour la recherche d'application et l'utilisation pacifique des technologies nucléaires.
Mais cet accord OMS-AIEA entré en vigueur le 28 mai 1959 comporte la résolution WHA 12-40 qui sera tenue secrète par l'Organisation Mondiale de la Santé. Institution onusienne, comme l’AIEA, l’OMS acceptait des contraintes contre-nature : « le serment d'Hippocrate impose à tout médecin de tout faire pour sauvegarder la santé et la vie des êtres humains. L'industrie nucléaire militaire a forcément un but mortel par son utilisation. L'atome pour la Paix ou l'énergie nucléaire civile est source de dommages pour les êtres humains et l'environnement sous deux formes différentes: les rejets permanents dans l'environnement et les incidents et/ou accidents nucléaires qui sont des catastrophes.
Or les médecins de l'OMS ont décrété par cet accord que les autorités et les populations civiles sont trop stupides pour apprécier le progrès et les bienfaits de l'énergie nucléaire ».
Maîtriser l’énergie et les armes en contrôlant le monde
L'AIEA est intervenu sur les événements suivants : lors des contrôles qui ont précédé la guerre en Irak puis en Iran, quand les gouvernements occidentaux pensaient que le programme nucléaire civil iranien possédait l’intention cachée de se doter d’armes nucléaires. Puis, en 2004, où après la signature de la Lybie au protocole du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, l’Union européenne décide la levée de l’embargo militaire européen à son encontre.
Et encore en Corée du Nord, ou finalement David Albright, président de l'Institut pour la science et la sécurité internationale (ISSI) et ancien inspecteur de l'ONU, concluait que, comme pour l'Irak, les services secrets américains avaient affirmé que la Corée du Nord détenait des armes de destruction massive, avant que cette information ne soit remise en cause.
Tout comme sur l’accident de la centrale de Tchernobyl ou un des objectifs importants était surement d’empêcher le désastre économique de l’industrie du nucléaire. Ne l'oublions pas, le nuage a épargné la France !
L'AEIA est étrangement juge du bienfondé de l'utilisation du nucléaire civil, comme militaire et, Ironie de l’histoire, elle a reçu le Prix Nobel de la Paix en 2005.
Le nucléaire, l’énergie mondiale du développement durable
Cette énergie « propre, maîtrisée » est aujourd’hui défendue pour des raisons évidemment opaques. En remplacement des fameuses énergies fossiles s’épuisant, elles qui ont tant contribué à l’industrialisation-compagne de l’asservissement capitaliste et aux crises financières, le nucléaire offre une alternative étrangement moderne et une énergie inépuisable - mais bien sur, "à condition qu'elle soit exclusivement utilisée à des fins civiles".
Si en 2007, la Bolivie annonçait son renoncement à tout arsenal de guerre, incluant implicitement tout arsenal nucléaire et l’inscrivait dans sa constitution, en 2009 le Président américain Barack Obama proposait le concept de « Banque de l’Uranium » auprès de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique. Il s’agissait d’internationaliser la production d’énergie nucléaire civile en en concentrant les pouvoirs de production entre les mains de l’AIEA. On sait pourtant quelles différentes utilisations sont faites de l'uranium. De façon anecdotique, rappelons cet événement étrange et complexe : en septembre 2010, 5 employés français d'AREVA sont enlevés à la mine d'uranium d'Arlit au Niger ou sont extraits 50% de l'approvisionnement français en uranium. Les ravisseurs sont de l'"AQMI" qui, le 27 juin 2011 dernier, publient une vidéo des otages demandant le retrait des troupes de la France de l'Afghanistan. Nous devons une pensée aux touaregs d'Arlit qui, s'étant révoltés contre les pollutions causées par la mine et les effets de contamination radioactive ont été remplacé par les habitants de la ville d'Arlit venus du sud, pour le travail à la mine. Qui peut encore croire que cette énergie puisse être sans danger et pacifique ?
Solution nationale et politique mondiale
Comment parler de souveraineté nationale aujourd'hui avec cette technologie ? S'il est possible de décréter fermement le retrait de l'énergie nucléaire au plan national, il est aveugle de penser que cette seule volonté puisse répondre aux craintes légitimes qu'elle fait naitre. Les intérêts internationaux économiques - exerçant leur puissance avec des armes - et les conséquences du moindre incident survenu dans une centrale du bout du monde se conjuguent planétairement. Sortir du nucléaire est une succession de questions doubles, de paix et de sécurité, de choix de politique nationale et mondiale, pour l'avenir des nations entières du point de vue écologique, économique et éthique. Et il est à parier que les candidats à la présidentielle ne pourront éviter de prendre position fermement sur cette thématique aux multiples enjeux, tant elle apparaît désormais comme incontournable dans le débat public.
Lire aussi sur ce blog : L'écologie citoyenne est-elle compatible avec l'écologie politique ?
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