Horreur de la gentillesse
"Cette société que l'on dit molle, éteinte, consensuelle, est en guerre.
Elle est en guerre contre les plus faibles et donc, contre le meilleur d'elle même. Cette guerre est menée contre les pauvres, les enfants, les amoureux, les femmes, les vieillards.
Le discours de l'exclusion participe de cette guerre, par sa gentillesse qui est le contraire de la bonté. La gentillesse c'est, si vous voulez, le geste de Saddam Hussein caressant la tête d'un enfant pris en otage. Ce geste est exactement le même que celui de la télévision vis-à-vis de chacun de nous. Un geste de crapule attendrie sur elle-même.
La gentillesse est une des premières vertus du commerce, une des règles de base dans la représentation : pour gagner le portefeuille, calmer les coeurs, flatter les enfants et les chiens et tout ce qui passe à la portée de la main.
La bonté est l'inverse de cette politique-là. On n'y vend rien, on n'y achète rien. On apprend à y nommer ce qui est réel dans cette vie et à résister au nom de cette chose-là, réelle. On n'y parle pas de SDF, on y parle de pauvres - et mieux encore : on ne parle pas des pauvres en général, on n'est pas encore dans l'attendrissement sociologique des catégories, on parle de celui-ci, puis de cet autre encore.
Ce qui est exclu de nos sociétés, c'est ce qui en est le centre, le meilleur : les rires des enfants, le songe des amants, la patience des misérables, le génie des mères. Parler d'exclus c'est donc se tromper de mot. Quand ce qui est exclus est au centre, au coeur, alors il ne faut pas parler d'exclusion, terme bien trop flou pour décrire un coeur qui a cessé de battre. Il ne s'agit pas d'inclure les pauvres dans une société morte.
Il s'agit de faire revenir le sang dans le tout de la société. Il faut un traitement non seulement social mais politique et spirituel : quelque chose entre résurrection et insurrection."
Elle est en guerre contre les plus faibles et donc, contre le meilleur d'elle même. Cette guerre est menée contre les pauvres, les enfants, les amoureux, les femmes, les vieillards.
Le discours de l'exclusion participe de cette guerre, par sa gentillesse qui est le contraire de la bonté. La gentillesse c'est, si vous voulez, le geste de Saddam Hussein caressant la tête d'un enfant pris en otage. Ce geste est exactement le même que celui de la télévision vis-à-vis de chacun de nous. Un geste de crapule attendrie sur elle-même.
La gentillesse est une des premières vertus du commerce, une des règles de base dans la représentation : pour gagner le portefeuille, calmer les coeurs, flatter les enfants et les chiens et tout ce qui passe à la portée de la main.
La bonté est l'inverse de cette politique-là. On n'y vend rien, on n'y achète rien. On apprend à y nommer ce qui est réel dans cette vie et à résister au nom de cette chose-là, réelle. On n'y parle pas de SDF, on y parle de pauvres - et mieux encore : on ne parle pas des pauvres en général, on n'est pas encore dans l'attendrissement sociologique des catégories, on parle de celui-ci, puis de cet autre encore.
Ce qui est exclu de nos sociétés, c'est ce qui en est le centre, le meilleur : les rires des enfants, le songe des amants, la patience des misérables, le génie des mères. Parler d'exclus c'est donc se tromper de mot. Quand ce qui est exclus est au centre, au coeur, alors il ne faut pas parler d'exclusion, terme bien trop flou pour décrire un coeur qui a cessé de battre. Il ne s'agit pas d'inclure les pauvres dans une société morte.
Il s'agit de faire revenir le sang dans le tout de la société. Il faut un traitement non seulement social mais politique et spirituel : quelque chose entre résurrection et insurrection."
Texte de Christian Bobin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire